• 30 novembre


    L'hiver s'installe doucement. Et ce soir le feu luit à nouveau dans cette pièce étroite qui ne sera jamais chez moi... Comme là-bas. Si loin.
    Mon regard s'attarde encore sur l'obscurité. Là-bas oui. Le nord-est, terres de pierre... Fières et droites vers le ciel. Je sais maintenant que chez moi, c'est là-bas. Là où ton corps repose à jamais.
    Mais ton âme est ici.


    Bien sûr, le coffret est toujours là, et depuis si longtemps... Je l'ai ouvert à nouveau il y a quelques semaines. Je ne sais pourquoi. Instinct ? Intuition ? Ou... Ton appel ? Les fers de la Dame Noire y reposent encore, sans doute est-il enfin temps. J'ai retrouvé la carte aussi. Et des images ont surgi de l'oubli. Ton rire, et ton regard... Cet instant rien qu'à nous au bord de la route. Un feu... Les chevaux au repos à côté de notre abri de fortune, cette carriole où s'entassaient mille trésors de pacotille... Notre refuge si loin du monde.
    Et le carnet... Forcément !
    Il serrait tes derniers mots... Mais aussi certains de ces contes comme tu aimais tant les raconter. Des histoires qui te disaient toi, sans fards. Légères et cruelles, vibrantes et désespérées... L'un d'eux racontait l'histoire d'un jeune garçon.

    ... Désormais seul et anéanti, il quitta le monastère sans but. La mer lui rappelait l’histoire supposée de ses origines. Il décida alors de vagabonder dans la direction contraire et s’enfonça en territoire inconnu. Un peu d’argent sur lui, un baluchon avec une couverture et quelques habits de rechange, un arc court et une dague. Il apprit à ne compter que sur lui pour survivre et durant six longues années, sa route croisa des âmes sombres qui tentèrent de l’aspirer dans leur dessein. Une femme très charismatique qui d’un seul mouvement de hanches voyait ses opposants se traîner à ses pieds s’évertua à tenter de l'embrigader. Fatigué de dormir au bord des routes, affamé et malade il faillit commettre son premier larcin. Un petit groupe l'emmena sur une route peu protégée afin que le jeune homme puisse voler la première personne qui l’emprunterait.
    Son esprit, sa volonté et ses principes semblaient défaillir. Il n’était plus maître de lui-même, ce n’était plus qu’un pantin au service d’hommes et femmes qui s’extasiaient de sa chute. Une dame finit par se présenter sur la route. Kami s’interposa brusquement en la menaçant d’une dague. A peine une coudée le séparait de sa victime. Le temps sembla s’arrêter lorsqu’il plongea ses yeux dans ceux de la pauvre innocente. Jamais, il n’avait ressenti tant de peur, de surprise et de désespoir dans un regard. La femme se jeta à genoux devant lui en lui tendant sa bourse pleine et en le suppliant de lui épargner la vie. Prit d’une si grande honte d’infliger tant de souffrances à une malheureuse qui croisa simplement son chemin. Il reprit légèrement sa conscience. Suffisamment pour se poignarder le ventre...


    Je le regarde plus que je ne le vois, je crois... Et je laisse résonner la voix de cet enfant il y a quelques jours au lavoir. Ces mots sonnent et résonnent longtemps avant que je ne les reconnaisse.

    Sens au coeur de la nuit
    L'onde d'espoir
    Ardeur de la vie
    Sentier de gloire
    Bonheurs enfantins
    Trop vite oubliés effacés
    Une lumière dorée brille sans fin
    Tout au bout du chemin...


    Je m'éveille soudain ! Ces mots sont les tiens ! Comment m'ont-ils retrouvée ? Que m'annoncent-ils ? Et cette agitation partout...
    Mes yeux reviennent à la feuille que je tiens, la main tremblante.

    D’un début chaotique naquit une sensation de bien être, une amitié qui bientôt se mua en amour. Le jeune freluquet se permit de tomber amoureux de la belle dame. Elle n’eut aucune difficulté à s’en rendre compte et pour le Très Haut sait qu’elle raison, elle se laissa peu à peu apprivoiser.

    Soudain il comprit qu’il n’avait pas le droit de pousser celle qui le sauva dans l’adultère. Il entra dans sa vie pour y semer le trouble alors qu’elle fut plus que bienveillante, tout comme son mari qui l’accepta sous son toit. Il ne voulait plus jamais connaître le sentiment de honte qu’il avait connu ce maudit jour sur cette maudite route ! Il s’octroya une dernière soirée avec toute la famille avant de partir définitivement vers l’ouest. Il avait passé 6 ans depuis la mort de son vieil ami, Erik.


    Sans doute que l'histoire aurait pu s'arrêter là... Mais tu en as décidé autrement.


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